Dans cette bataille pour nos droits, les propriétaires wallons de panneaux solaires se retrouvent dans l'incertitude. La décision du gouvernement wallon de prolonger le bénéfice du compteur à l'envers jusqu'en 2030 pourrait-elle être anéantie par un vice de procédure ? Le recours déposé par Zuhal Demir devant le Conseil d'État nous expose à cette menace imminente.
Les mois à venir seront cruciaux, et chaque instant compte. Régis François, autrefois confiant, se montre désormais plus préoccupé. "Après avoir fait examiner le dossier par nos spécialistes, nous ne pouvons que constater la gravité de la situation. Nous pensions initialement que Zuhal Demir avait dépassé le délai pour introduire son recours, mais il semble qu'elle soit dans les temps, attaquant l'arrêté du gouvernement wallon datant du 12 octobre 2023, avec une marge de 60 jours. De plus, cet arrêté présente des failles selon nos experts." Un amendement au décret initial de 2021 a été effectué en octobre 2023, visant à élargir le bénéfice de la compensation jusqu'en 2030, même pour ceux ayant modifié leur installation. Mais le risque subsiste que le Conseil d'État annule les compensations pour tous, et non seulement pour ceux concernés par les modifications. Les temps sont sombres pour les propriétaires de panneaux solaires, avec des pertes financières potentielles oscillant entre 400 et 500 euros par an en moyenne.
Face à cette menace, la mobilisation s'organise du côté wallon. Les avocats ont déposé leur mémoire devant le Conseil d'État le 23 avril dernier, soutenant le décret et l'arrêté régionaux prolongeant le bénéfice du compteur à l'envers jusqu'en 2030. Les arguments sont prêts, la bataille est engagée. Le ministre wallon de l'Énergie, Philippe Henry, ennuyé, se contente de répondre à la presse par SMS : "La procédure suit son cours. Nous n'avons aucun commentaire particulier à faire… Quant à la question de la victoire potentielle au Conseil d'État, c'est une décision du gouvernement wallon. Notre travail est en cours, et notre position est solide", déclare son cabinet.
Pour Zuhal Demir, il s'agit bien plus que d'une simple question de légalité. Elle refuse que la Wallonie accorde à ses citoyens un avantage dont sont privés les Flamands. En Flandre, le système de compensation a pris fin en mars 2021, suite à une décision de la cour constitutionnelle. Seuls les panneaux solaires installés après janvier 2024 ne bénéficient plus du compteur à l'envers en Wallonie.
Régis François, en tant que président de BeProsumer, dénonce cette ingérence flamande dans les affaires wallonnes. Pour lui, il s'agit d'une lutte politique. "Il est difficile de ne pas remarquer que le recours a été médiatisé en même temps que le lancement de l'offensive électorale de la N-VA dans le sud du pays, avec l'annonce de la candidature de Godefridi dans le Brabant wallon…", souligne-t-il. Mais au-delà des apparences, le fond du problème réside dans une vendetta politique. Cette vendetta, explique-t-il, fait suite à un recours déposé par le gouvernement wallon devant la cour constitutionnelle, contestant la mise en place d'un nouveau tribunal administratif flamand pour traiter les litiges relatifs aux permis de construire et à l'environnement. Ce tribunal, instauré pour sa rapidité, est perçu comme une injustice par le gouvernement Di Rupo, qui estime qu'il nuit à l'égalité des citoyens belges. En réponse, la Flandre accuse la Wallonie d'ingérence dans ses affaires. Aujourd'hui, c'est un jeu de représailles. Régis François va jusqu'à affirmer que Zuhal Demir souhaite accélérer le projet Ventilus, reliant les éoliennes de la mer du Nord au réseau électrique, et voit en ce tribunal flamand un moyen d'y parvenir. Pendant ce temps, les obstacles rencontrés par les projets wallons risquent d'être ralentis par les procédures au conseil d'État. "En résumé, les propriétaires de panneaux solaires se retrouvent pris en otage dans une guerre politico-juridique", conclut-il.