L’asbl BEPROSUMER (anciennement Touche Pas à mes Certificats Verts) se bat activement depuis plusieurs années pour faire valoir les droits des détenteurs de panneaux photovoltaïques wallons, dont ceux ayant installé ces panneaux dans le cadre du régime SolWatt (installations essentiellement placées entre 2008 et 2012).
Pour rappel, ce plan « Solwatt » octroyait à ces détenteurs, des certificats verts sur une période de 15 ans, ce qui constituait une augmentation, voulue et choisie par la Région wallonne, de la durée d’octroi (de 10 à 15 ans).
Rappelons que ces certificats verts pouvaient être achetés sur un « marché des certificats verts » par les fournisseurs d’énergie par exemple. La Région wallonne ayant décidé dès le départ que les certificats verts non achetés sur ce marché seraient répercutés sur la facture de tous les citoyens wallons (surcharge « certificats verts »).
Malgré l’afflux de certificats verts sur ce marché, la Région wallonne a maintenu volontairement son régime incluant la durée d’octroi des certificats verts, et rassurant expressément les propriétaires de panneaux, jusqu’en 2013 encore, sur le fait qu’ « elle ne touchera pas à leurs installations ».
Fin 2014 pourtant, le gouvernement wallon a réduit la durée d'octroi des certificats verts à 10 ans, en invoquant le fait qu’un trop grand nombre de certificats verts se trouvait « sur le marché », créant une « bulle des certificats verts », élément que pourtant elle ne venait pas de découvrir.
La Région wallonne estimait alors qu’il fallait diminuer cette bulle pour éviter une nouvelle augmentation de la facture d’électricité des citoyens wallons, et considérait, contre tous les engagements et assurances données jusqu’alors, que la rentabilité des installations de panneaux du plan Solwatt restait suffisante même en réduisant la durée d’octroi des certificats verts à 10 ans.
C’est face à cette rupture des engagements wallons que les citoyens lésés se sont rassemblées et que l’asbl TPCV, devenue BEPROSUMER, a été constituée ; elle a notamment été mandatée par plus de 19.500 de ses membres en vue d’introduire une procédure judiciaire (individuelle) contre la Région wallonne.
Ces citoyens/requérants entendaient que la Région soit condamnée à assumer les conséquences de sa propre gestion du plan Solwatt, dont ils estiment qu’elle est fautive. Selon eux notamment, la Région wallonne :
n’avait pas correctement fixé le taux de rentabilité, taux qu’elle invoquait pourtant en 2014 contre les détenteurs de panneaux, pour justifier son retrait de 5 ans de certificats verts ;
avait adopté, tout au long de la gestion du plan « Solwatt » (entre 2008 et 2012 essentiellement), des attitudes ayant contribué à créer la bulle des certificats verts et à l’aggraver, notamment en faisant dépendre ses actions ou inactions d’échéances politiques plutôt que de réaliser’une analyse précise du marché des certificats verts qu’elle devait surveiller en temps réels.
Dans son jugement du 27 avril 2021, le Tribunal de première instance de Liège a retenu certaines fautes dans le chef de la Région mais a considéré que ces fautes n’étaient pas la cause directe du dommage des citoyens ; selon le Tribunal, le retrait des 5 années de certificats verts serait donc intervenu même sans ces fautes.
En l’absence d’un tel lien direct selon le Tribunal, la demande de condamnation de la Région a été rejetée.
En octobre 2022, les milliers de citoyens/requérants ont interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Liège. L’affaire a été plaidée au cours de deux journées d’audiences, les 12 et 19 décembre 2023.
Les avocats de ces citoyens ont longuement exposé à la Cour, par écrit puis lors des plaidoiries, que :
le taux de rentabilité étant illégal (parce que la Région wallonne ne l’avait pas correctement fixé), il doit être considéré comme n’ayant jamais existé ;
Sans ce taux de rentabilité, la Région ne pouvait pas limiter la durée d’octroi ou le nombre de certificats verts octroyés ;
Seule la règle initiale visant l’octroi de certificats verts pendant 15 ans devait donc s’appliquer aux appelants ;
la Région wallonne n’a pas fait que tarder à fixer les quotas d’achat de certificats verts, comme l’avait dit le Tribunal ; la Région wallonne a, par ses actions et inactions tout au long du suivi et de la réglementation du plan Solwatt, créé et aggravé consciemment la « bulle de certificats verts » au nom de laquelle elle est ensuite venue reprendre les droits qu’elle avait promis aux détenteurs relevant du plan Solwatt ;
Ces inactions et actions ne correspondent pas au comportement qui aurait été celui d’une autorité normalement diligente et prudente (équivalent du « bon père de famille » pour les autorités) ; elles sont donc des fautes civiles ;
Sans ces fautes de la Région wallonne, la « bulle de certificats verts » n’aurait jamais existé comme elle existait en 2014, au moment où la Région a décidé de retirer 5 années de certificats verts aux appelants ;
Sans ces fautes donc, le retrait des 5 années de certificats verts ne serait pas intervenu ;
En conséquence, les appelants ont sollicité de la Cour qu’elle condamne la Région à assumer seule les conséquences de ses propres illégalités et fautes, en réoctroyant les 5 dernières années de certificats verts ou en versant une somme financière équivalant à cette même durée d’octroi de certificats verts à tous les citoyens agissant devant elle.
C’est avec le plus grand étonnement que l’asbl BEPROSUMER vient d’être informée que la Cour d’appel de Liège a, par un arrêt du 12 mars 2024, décidé de rejeter l’ensemble des demandes des propriétaires de panneaux qui avaient formé appel devant elle.
La Cour a estimé que la Région wallonne n’avait pas commis la moindre faute dans le cadre de la gestion du plan Solwatt, et notamment, qu’elle n’avait pas fautivement créé ou aggravé la bulle de certificats verts.
La Cour a également estimé que les propriétaires de panneaux photovoltaïques, bénéficiaires du plan Solwatt, n’avaient jamais eu la garantie d’avoir 15 années de certificats verts.
L'action continue
Vous comprendrez que l’asbl BEPROSUMER estime, sans hésitation, qu’il faut impérativement envisager de solliciter la cassation de cet arrêt.
Un avocat à la Cour de cassation va donc être consulté en ce sens, dans un premier temps pour avis.